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et cette différence ne se trouve-t-elle pas aussi dans les arts ? Car on peut parler ou écrire quelquefois avec correction, soit par hasard, soit en suivant les conseils d’une autre personne. On ne sera donc grammairien qu’autant que non-seulement on se conformera aux règles de la science, mais qu’on le fera en grammairien, c’est-à-dire, en suivant les règles d’une science qu’on possèdera réellement. Du reste, la vertu ne ressemble pas aux autres arts[1] : car c’est dans les produits mêmes de ceux-ci que se trouve le bien qui leur est propre ; et, par conséquent, il suffit que ces produits existent d’une certaine manière ; mais cela ne suffit pas pour les actes de vertu. Il ne suffit pas, dis-je, pour les constituer tels, qu’ils soient conformes à la justice et à la raison ; mais il faut encore que celui qui les fait, réunisse en lui-même de certaines conditions. Il faut, premièrement, qu’il sache ce qu’il fait ; ensuite, que son action soit le résultat d’une détermination réfléchie, qui lui fait choisir cette manière d’agir pour elle-même. Enfin, il faut que cette manière d’agir soit en lui l’effet d’une disposition ferme et immuable. Mais ces conditions ne sont pas du nombre de celles qu’on exige pour les arts, à l’exception de la connaissance que l’artiste a de ce qu’il fait. Or, cette connaissance, lorsqu’il s’agit de vertus, n’a qu’une influence peu considérable, ou nulle, tandis que celle des deux au-

  1. Voy. encore, l. 5, c. 6, ce que dit Aristote de la différence qu’il y a entre la vertu et les différents arts.