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suit. En effet, puisqu’on peut réduire à trois classes, comprises sous les noms d’honnête, d’utile, et d’agréable, les motifs propres à déterminer notre préférence ; et, au contraire, comprendre sous les noms de honteux, de nuisible, et de pénible, les motifs propres à déterminer notre aversion ; l’homme vertueux est celui dont la conduite est réglée par les premiers de ces motifs, et le vicieux, celui dont la conduite s’en écarte, surtout par rapport au plaisir. Car c’est un sentiment commun à tous les êtres animés, et qui accompagne tout ce qui est un objet de choix ou de préférence, puisque l’honnête et l’utile paraissent toujours agréables. Ajoutons que ce sentiment n’a pu que se fortifier en nous depuis notre enfance, et que notre vie toute entière en a pris, s’il le faut ainsi dire, la teinte ineffaçable. Aussi sommes-nous tous plus ou moins portés à prendre le plaisir ou la peine pour règle de toutes nos actions. C’est pour cette raison qu’un traité tel que celui-ci doit nécessairement porter tout entier sur ces deux sortes de sentiments ; car ce n’est pas une chose de peu d’importance pour la conduite de la vie, que nos sentiments de plaisir ou de peine soient, ou non, conformes à ce qui est bien, ou mal. Il est même plus difficile, quoi qu’en dise Héraclite[1], de résister au plaisir qu’à la colère : or

  1. Héraclite, comme nous l’apprend notre auteur lui-même en deux autres endroits (Eudem. l. 2, c. 7 ; et Politic. l. 5, c. 9), avait dit : « Il est difficile de vaincre la colère, car on lui sacri-