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dans la force, par exemple, qui vient de l’habitude de prendre une nourriture abondante et de supporter beaucoup de fatigues, et c’est ce que l’homme robuste est surtout capable de faire. Or, il en est de même des vertus : car c’est en nous abstenant des voluptés que nous devenons tempérants, et plus nous le sommes, plus nous devenons capables de nous en abstenir. De même, pour le courage, en prenant l’habitude de mépriser les dangers et de les braver, nous devenons courageux ; et c’est surtout quand nous le serons devenus, que nous serons en état d’affronter les périls les plus menaçants.

III. On doit surtout considérer comme signe des habitudes ou dispositions, le plaisir ou la peine qui se joignent aux actes. Car celui qui s’abstient des plaisirs des sens, et qui trouve à cela de la satisfaction, est véritablement tempérant ; au lieu que celui qui ne le fait qu’à regret est porté à la débauche : celui qui se plaît à braver les dangers, ou du moins qui les brave sans peine, est courageux ; mais celui qui ne les affronte qu’à regret est timide. Et en effet, la vertu morale est relative aux plaisirs et aux peines, puisque c’est l’attrait du plaisir qui nous porte aux mauvaises actions, et la crainte de la peine qui nous détourne des bonnes. C’est pour cela qu’il faut, comme dit Platon[1], avoir été élevé dès l’âge le plus tendre, de manière

  1. Dans les Dialogues sur les Lois, l. 2, p. 653.