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courage on devient courageux. Ce qui se passe dans les sociétés civiles en est la preuve : car les législateurs rendent les citoyens vertueux, en leur faisant contracter de bonnes habitudes. C’est là le dessein ou l’intention de tout législateur, et quand il ne réussit pas, il se trompe ; c’est par là qu’un gouvernement diffère d’un autre, un bon d’un mauvais[1].

Enfin, c’est par les mêmes causes et par les mêmes moyens que se produisent ou se détériorent les vertus et les arts de toute espèce ; c’est à force d’exercer leur art que les musiciens, les architectes et les autres artistes de tout genre deviennent bons ou mauvais : car s’il n’en était pas ainsi, on n’aurait besoin de maître pour aucun de ces arts, et tous ceux qui les exercent seraient également habiles ou inhabiles[2]. Or, il en est exactement de même par rapport aux vertus. C’est dans l’exécution des conventions et des transactions de tout genre qui ont lieu entre les hommes, que nous nous montrons, les uns justes, et les autres injustes ; c’est dans les occasions où il y a des dangers à braver, que nous prenons des habitudes de timidité,

  1. Cette pensée est développée d’une manière : extrêmement ingénieuse et intéressante dans le Protagoras de Platon, p. 321-328.
  2. Quod si tales nos natura genuisset, ut eam ipsam intueri et perspicere, eademque optima duce cursum vitæ conficere possemus, haud erat sane quod quisquam rationem ac doctrinam requireret. (Cicéron. Tuscul. l. 3, c. 1.)