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Ainsi, la pierre, que sa tendance naturelle porte toujours en bas, ne changera jamais cette direction, quand même on s’efforcerait de l’accoutumer à une direction contraire, en la jetant des milliers de fois en l’air ; le feu ne pourrait pas plus se diriger vers le lieu le plus bas ; en un mot, il n’y a pas moyen de changer, par la coutume, les inclinations ou les tendances imprimées par la nature. Les vertus ne sont donc point en nous le fait de la nature, ni contraires à la nature ; seulement elle nous a faits susceptibles de les recevoir, et nous les perfectionnons par l’habitude.

De plus, nous apportons, pour ainsi dire, en naissant, les facultés propres aux choses qui sont en nous le fait de la nature, et ensuite nous produisons les actes : comme on le voit clairement, pour les sens. Car ce n’est pas à force de voir et d’entendre que nous avons acquis les sens de l’ouïe et de la vue ; au contraire, nous en avons fait usage parce que nous les avions, mais nous ne les avons pas parce que nous en avons fait usage. C’est après avoir agi d’une manière conforme à la vertu, que nous acquérons des vertus, et il en est de même des autres arts : car la pratique est notre principal moyen d’instruction dans les choses que nous ne faisons bien que quand nous les savons faire. Par exemple, en bâtissant on devient maçon, en jouant de la lyre, on devient musicien ; et de même en pratiquant la justice, on devient juste, en pratiquant la tempérance, on devient sobre et modéré dans ses désirs ; enfin, en faisant des actes de