Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ticuliers où le milieu ne saurait être déterminé avec précision, et peut facilement se confondre avec l’un ou l’autre extrême. Opposition plus ou moins grande des extrêmes entre eux, ou par rapport au milieu. — IX. Difficulté de saisir ce juste milieu, en quoi consiste la vertu. Il faut s’appliquer à connaître quel est celui des extrêmes dont on doit le plus se garantir, car il y en a qu’on est plus blâmable de ne pas éviter ; il faut donc incliner vers l’un ou l’autre, suivant qu’il s’éloigne moins du milieu, qui seul est louable et désirable.





I. PUISQUE la vertu peut être envisagée sous deux points de vue : comme résultat de l’intelligence, et comme produit des mœurs ; on voit que, sous le premier rapport, elle peut le plus souvent être enseignée, elle est susceptible (s’il le faut ainsi dire) de génération et d’accroissement ; voilà pourquoi il lui faut du temps et de l’expérience ; mais, sous le second rapport, elle naît de l’habitude, et c’est de là que lui vient son nom de morale[1]. Cela nous fait voir clairement qu’aucune vertu morale n’est en nous le produit immédiat de la nature, car rien de ce qui vient de cette source ne peut être changé par la coutume.

  1. Voy. M. M. l.i,.c. 6 ; Eudem l.2, c.2. Mêmes observations au sujet de la valeur étymologique du mot ἠτικὴ (morale), dérivé de ἦθος (mœurs), ou ἔθος (habitude). Cicéron (De Fato. init.) dit aussi : Quia pertinet ad mores, quod ἦθος illi vocant, nos eam partem philosophiæ De Moribus appellare solemus : sed decet augentem linguam latinam, nominare Moralem. Voy. encore Quintilien (Inst. orat. l. 6, c. 2).