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sources ; il y a même beaucoup de choses pour l’exécution desquelles des amis, des richesses, une autorité politique, sont comme des instruments nécessaires. La privation absolue de quelqu’un de ces avantages, comme de la naissance, le manque d’enfants, de beauté, gâte et dégrade en quelque sorte le bonheur. Car ce n’est pas un homme tout-à-fait heureux que celui qui est d’une excessive laideur, ou d’une naissance vile, ou entièrement isolé et sans enfants. Celui qui a des amis ou des enfants tout-à-fait vicieux, ou qui en avait de vertueux que la mort lui a enlevés, est peut-être moins heureux encore. La jouissance de ces sortes de biens semble donc être, comme je l’ai dit, un accessoire indispensable ; aussi y a-t-il des personnes qui rangent dans la même classe le bonheur et la bonne fortune, et d’autres la vertu.

IX. C’est même cette considération qui a donné lieu à la question de savoir si ce bien suprême peut être le résultat de la science, de l’habitude, ou de quelque autre exercice ou procédé que ce soit ; ou une faveur des dieux, ou l’effet d’un hasard heureux[1]. Et de fait, s’il y a au monde quelque

  1. Cette question fut souvent agitée par les philosophes et par les sophistes de la Grèce. Socrate, Platon et plusieurs de ses disciples, soutinrent que la vertu est un don de la Divinité. (Voyez les dialogues intitulés : Protagoras, Theages, Euthyphron, Menon.) Cicéron semble même avoir adopté, jusqu’à un certain point, cette opinion : Nemo… vir magnus sine afflatu