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à Socrate plus utile pour l’ordre des laboureurs que pour celui des guerriers, gardiens de l’Etat, c’est qu’elle détruira tout accord dans cette classe, qui ne doit songer qu’à obéir et non à tenter des révolutions.

§ 16. En général, cette loi de communauté produira nécessairement des effets tout opposés à ceux que des lois bien faites doivent amener, et précisément par le motif qui inspire à Socrate ses théories sur les femmes et les enfants. À nos yeux, le bien suprême de l’État, c’est l’union de ses membres, parce qu’elle prévient toute dissension civile ; et Socrate aussi ne se fait pas faute de vanter l’unité de l’État, qui nous semble, et lui-même l’avoue, n’être que le résultat de l’union des citoyens entre eux. Aristophane, dans sa discussion sur l’amour, dit précisément que la passion, quand elle est violente, nous donne le désir de fondre notre existence dans celle de l’objet aimé, et de ne faire qu’un seul et même être avec lui. § 17. Or ici il faut de toute nécessité que les deux individualités, ou du moins que l’une des deux disparaisse ; dans l’État au contraire où cette communauté prévaudra, elle éteindra toute bienveillance réciproque ; le fils n’y pensera pas le moins du monde à chercher son père, ni le père à chercher son fils. Ainsi que la douce saveur de quelques gouttes de miel disparaît dans une vaste quantité d’eau, de même l’affection que font naître ces noms si chers se perdra