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doute. Si l’on suppose ces vertus aux esclaves, où sera leur différence avec les hommes libres ? Si on les leur refuse, la chose n’est pas moins absurde  ; car ils sont hommes, et ont leur part de raison. § 4. La question est à peu près la même pour la femme et l’enfant. Quelles sont leurs vertus spéciales ? La femme peut-elle être sage, courageuse et juste comme un homme ? L’enfant peut-il être sage et dompter ses passions, ou ne le peut-il pas ? Et d’une manière générale, l’être fait par la nature pour commander et l’être destiné à obéir doivent-ils posséder les mêmes vertus ou des vertus différentes ? Si tous deux ont un mérite absolument égal, d’où vient que l’un doit commander, et l’autre obéir à jamais ? Il n’y a point ici de différence possible du plus au moins  : autorité et obéissance diffèrent spécifiquement, et entre le plus et le moins il n’existe aucune différence de ce genre. § 5. Exiger des vertus de l’un, n’en point exiger de l’autre serait encore plus étrange. Si l’être qui commande n’a ni sagesse ni équité, comment pourra-t-il bien commander ? Si l’être qui obéit est privé de ces vertus, comment pourra-t-il bien obéir? Intempérant, paresseux, il manquera à tous ses devoirs. Il y a donc nécessité évidente que tous deux aient des vertus, mais des vertus aussi diverses que le sont les espèces des êtres destinés par la nature à la soumission. C’est ce que nous avons déjà dit de l’âme. En elle, la nature a fait deux parties distinctes  : l’une pour commander, l’autre pour obéir  ; et leurs qualités sont bien diverses, l’une étant douée de raison, l’autre en étant privée. § 6. Cette