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la constitution, ou que du moins ils ne regardent pas comme des ennemis les souverains mêmes de l’État.

§ 3. Les espèces les plus vicieuses de la démocratie existent en général dans des États fort populeux, où il est difficile de réunir des assemblées publiques sans payer ceux qui s’y rendent. Aussi, les hautes classes redoutent-elles cette nécessité quand l’État n’a pas de revenus propres ; car il faut alors lui créer des ressources, soit par des contributions spéciales, soit par des confiscations, que prononcent des tribunaux corrompus. Or, ce sont là des causes de ruine pour bien des démocraties. Là donc oà l’État n’a pas de revenus, il faut que les assemblées publiques soient rares, et les membres des tribunaux fort nombreux, mais ne siégeant que quelques jours. Ce système a le double avantage, d’abord que les riches n’auront point à craindre de trop grandes dépenses, quoique ce ne soit pas à eux, mais aux pauvres qu’on donne le salaire judiciaire ; et ensuite ceci fera que la justice sera beauoup mieux rendue, parce que les riches ne veulent jamais quitter leurs affaires pour plusieurs jours, et ne consentent à les laisser que pour quelques instants.

§ 4. Si l’État est opulent, il faut se garder d’imiter les démagogues d’aujourd’hui. Ils partagent au peuple tout l’excédant des recettes, et prennent part comme les autres à la répartition ; mais les besoins restent toujours les mêmes ; car donner de tels secours à la pauvreté, c’est vouloir emplir un tonneau sans fond. L’ami sincère du peuple tâchera de prévenir pour la foule l’excès de la misère, qui pervertit toujours la démocratie ; et il mettra tous ses soins à rendre l’aisance