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parle. Le plaisir ayant absolument besoin d’une excessive abondance, on cherche tous les moyens qui peuvent la procurer. Quand on ne peut les trouver dans les acquisitions naturelles, on les demande ailleurs ; et l'on applique ses facultés à des usages que la nature ne leur destinait pas.

§ 20. Ainsi, faire de l’argent n’est pas l’objet du courage, qui ne doit nous donner qu’une mâle assurance ; ce n’est pas non plus l’objet de l’art militaire ni de la médecine, qui doivent nous donner, l’un la victoire, l’autre la santé ; et cependant, on ne fait de toutes ces professions qu’une affaire d’argent, comme si c’était là leur but propre et que tout en elles dût viser à atteindre ce but.

Voilà donc ce que j’avais à dire sur les divers moyens d’acquérir le superflu ; j’ai fait voir ce que sont ces moyens, et comment ils peuvent nous devenir un réel besoin. Quant à l’art de la véritable et nécessaire richesse, j’ai montré qu’il était tout différent de celui-là ; qu’il n’était que l’économie naturelle, uniquement occupée du soin de la subsistance ; art non pas infini comme l’autre, mais ayant au contraire des limites positives.

§ 21. Ceci rend parfaitement claire la question que nous nous étions d’abord posée, à savoir si l’acquisition des biens est ou non l’affaire du chef de famille et du chef de l’Etat. Il est vrai qu’il faut toujours supposer la préexistence de ces biens. Ainsi, la politique même ne fait pas les hommes ; elle les prend tels que la nature les lui donne, et elle en use. De même, c’est à la nature de nous fournir les premiers aliments, qu’ils viennent de la terre, de la mer, ou de toute autre source ; c’est ensuite au chef de famille de disposer de