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tudie. Ce n’est donc pas à tort que, de-puis longtemps, on y a renoncé pour les enfants et pour les hommes libres, bien que, dans l’origine, on la leur fît apprendre.

§ 6. Dès que nos pères purent goûter les douceurs du loisir par suite de la prospérité, ils se livrèrent avec une magnanime ardeur à la vertu ; tout fiers de leurs exploits passés, et surtout de leurs succès depuis la guerre Médique, ils cultivèrent toutes les sciences avec plus de passion que de discernement, et ils élevèrent même l’art de la flûte à la dignité d’une science. On vit à Lacédémone un chorège donner, le ton au chœur en jouant lui-même de la flûte ; et ce goût devint si national à Athènes, qu’il n’était pas d’homme libre qui n’apprît cet art. C’est ce que prouve assez le tableau que Thrasippe consacra aux dieux, quand il fit les frais d’une des comédies d’Ecphantidès.

§ 7. Mais l’expérience fit bientôt rejeter la flûte, quand on jugea mieux de ce qui peut, en musique, contribuer ou nuire à la vertu. On bannit aussi plusieurs des anciens instruments, les pectides, les barbitons, et ceux qui n’excitent dans les auditeurs que des idées de volupté, les heptagones, les trigones et les sambuques, [1341b] et tous ceux qui exigent un trop long exercice de la main.

§ 8. Une vieille tradition mythologique, qui est fort raisonnable, proscrit aussi la flûte, en nous apprenant que Minerve, qui l’avait inventée, ne tarda point à l’abandonner. On a encore spirituellement prétendu que le dépit de la déesse contre cet instrument venait de ce qu’il déformait le visage ; mais on peut croire aussi que Minerve rejetait l’étude de la flûte, parce qu’elle ne sert en rien à perfectionner l’intelligence ; car, de fait, Minerve est à nos yeux le symbole de la science et de l’art.


§ 1. La crécelle même d’Archytas. Archytas de Tarente, philosophe pythagoricien, était un peu antérieur au temps d’Aristote.

§ 4. De nos jours. Les progrès et les innovations de tout genre dans la musique grecque se rapportent précisément au temps où vivait Aristote, et son école même semble y avoir beaucoup contribué par Aristoxène.

§ 5. La flûte… n’est pas un instrument moral. Il nous est assez difficile aujourd’hui de comprendre cet anathème contre la flûte, bien qu’il ait été sanctionné par l’autorité même de Minerve. Voir plus bas, § 8.

§ 6. À Lacédémone Voir Ott. Millier, die Dorier, t. II, p. 328 et suiv. Ecphantidès. Ecphantidès a, dit-on, été un des plus anciens poètes comiques d’Athènes ; il paraît avoir existé vers la fin du VIe siècle avant J.-C. Voir Ott. Müller, die Dorier, t. II, p. 350. On ne connaît pas d’ailleurs autrement le fait auquel Aristote veut faire allusion ici.

§ 7. Pectides… sambuques. Tous ces instruments étaient à cordes. Voir la République de Platon, liv. III, p. 153 et suiv, traduct. de M. Cousin.