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pour son plaisir et son instruction, aux talents d’artistes spéciaux, comme le font les rois des Perses et des Mèdes ? Les hommes de pratique, qui se sont fait un art de ce travail, n’auront-ils pas toujours nécessairement une exécution bien plus parfaite, que des hommes qui n’y ont donné que le temps strictement indispensable pour le connaître ? Ou si chaque citoyen doit faire personnellement ces longues et pénibles études, pourquoi n’apprendrait-il pas aussi tous les secrets de la cuisine, éducation qui serait parfaitement absurde ?

§ 6. La même objection n’a pas moins de force si l’on suppose que la musique forme les mœurs. Pourquoi, même dans ce cas, l’apprendre personnellement ? [1339b] Ne pourra-t-on pas également en jouir convenablement et en bien juger, en entendant les autres ? Les Spartiates ont adopté cette méthode, et sans avoir de science personnelle, ils peuvent, assure-t-on, juger fort bien du mérite de la musique, et décider si elle est bonne ou mauvaise. Même réponse, si l’on prétend que la musique est le vrai plaisir, le vrai délassement des hommes libres. À quoi bon la savoir soi-même, et ne pas jouir du talent d’autrui ?

§ 7. N’est-ce pas même là l’idée que nous nous faisons des dieux ? Et les poètes nous ont-ils jamais montré Jupiter chantant et jouant de la lyre ? En un mot, il y a quelque chose de servile à se faire soi-même un artiste de ce genre en musique ; et un homme libre ne se permet cette licence que dans l’ivresse ou par plaisanterie.

§ 8. Nous aurons peut-être à examiner plus tard la valeur de toutes ces objections.


§ 1. Nous avons déjà émis. Voir plus haut, ch. III, § 1. Comme l’a dit Euripide. Les Bacchantes, v. 378-384. Montesquieu a consacré un chapitre de l’Esprit des Lois, liv. IV, ch. VIII, à expliquer pourquoi les anciens attachaient tant d’importance à la musique.

§ 5. L’étude de la musique. Sur cette question, voir Platon, Lois, liv. II, p. 88 et suiv., et 112. Les sentiments d’Aristote sur la musique sont à peu près ceux de Platon.

§ 6. Assure-t-on, ou peut-être aussi :« assurent-ils» .

§ 7. Plus tard., Voir plus loin, ch. VI.

CHAPITRE