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irréprochable. N’est-il pas extraordinaire, cependant, que conservant les institutions de Lycurgue, et pouvant sans obstacle les suivre à son gré, elle ait perdu toute sa félicité ? Mais c’est qu’on se trompe aussi sur la nature de la puissance que l’homme politique doit s’efforcer de mettre en honneur. Commander à des hommes libres vaut bien mieux, et est bien plus conforme à la vertu, que de commander à des esclaves.

§ 13. De plus, il ne faut pas croire un État heureux, ni un législateur fort habile, quand ils n’ont songé qu’aux dangereux travaux de la conquête. Avec des principes aussi déplorables, chaque citoyen ne pensera évidemment qu’à usurper le pouvoir absolu dans sa propre patrie, dès qu’il pourra s’en rendre maître ; ce dont pourtant Lacédémone n’a pas manqué de faire un crime au roi Pausanias, que toute sa gloire ne put défendre. De pareils principes et les lois qu’ils dictent, ne sont pas dignes d’un homme d’État ; ils sont aussi faux qu’ils sont funestes. Le législateur ne doit déposer dans le cœur des hommes que des sentiments également bons pour le public et pour les particuliers.

§ 14. Si l’on s’exerce aux combats, ce doit être non point en vue de soumettre à l’esclavage des peuples qui ne méritent point ce joug ignominieux ; mais ce doit être d’abord pour n’être point subjugué soi-même ; ensuite, pour ne conquérir le pouvoir que dans l’intérêt des sujets ; et enfin, pour ne commander en maître qu’à des hommes destinés à obéir en esclaves.

§ 15. Le législateur doit surtout faire en sorte que même ses lois sur la guerre, comme le reste de ses institutions,