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nécessairement échapper d’autres, qu’on doute de son excellence et qu’on demande si, à mérite égal, il ne vaut pas mieux substituer à sa souveraineté celle d’un individu ; car disposer législativement sur des objets qui exigent délibération spéciale est chose tout à fait impossible. Aussi ne conteste-t-on pas que pour ces objets-là il faille s’en remettre aux hommes ; on conteste seulement qu’on doive préférer un seul individu à plusieurs ; car chacun des magistrats, même isolé, peut, guidé par la loi qui l’a instruit, juger fort équitablement.

§ 9. Mais il pourrait bien sembler absurde de soutenir qu’un homme, qui n’a pour former son jugement que deux yeux, deux oreilles, qui n’a pour agir que deux pieds et deux mains, puisse mieux faire qu’une réunion d’individus avec des organes bien plus nombreux. Dans l’état actuel, les monarques eux-mêmes sont forcés de multiplier leurs yeux, leurs oreilles, leurs mains, leurs pieds, en partageant le pouvoir avec les amis du pouvoir et avec leurs amis personnels. Si ces agents ne sont pas les amis du monarque, ils n’agiront pas suivant ses intérêts ; s’ils sont ses amis, ils agiront dans son intérêt et dans celui de son autorité. Or, l’amitié suppose nécessairement ressemblance, égalité ; et si le roi admet que ses amis doivent partager sa puissance, il admet en même temps que le pouvoir doit être égal entre égaux.