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demander que la raison règne avec les lois ; demander la souveraineté d’un roi, c’est constituer souverains l’homme et la bête ; car les entraînements de l’instinct, les passions du cœur corrompent les hommes quand ils sont au pouvoir, même les meilleurs ; mais la loi, c’est l’intelligence sans les passions aveugles.

§ 5. L’exemple emprunté plus haut aux sciences ne paraît pas concluant. Il est dangereux de suivre en médecine des préceptes écrits, et il vaut mieux se confier aux praticiens. Un médecin ne sera jamais entraîné par amitié à donner quelque prescription déraisonnable ; tout au plus aura-t-il en vue le prix de la guérison. En politique, au contraire, la corruption et la faveur exercent fort ordinairement leur funeste influence. Ce n’est que lorsqu’on soupçonne le médecin de s’être laissé gagner par des ennemis pour attenter à la vie de son malade, qu’on a recours aux préceptes écrits.

§ 6. Bien plus, le médecin malade appelle pour le soigner d’autres médecins ; le gymnaste montre sa force en présence d’autres gymnastes ; pensant tous deux qu’ils jugeraient mal s’ils jugeaient dans leur propre cause, parce qu’ils n’y sont pas désintéressés. Donc évidemment, quand on ne veut que la justice, il faut prendre un moyen terme ; et ce moyen terme, c’est la loi. D’ailleurs, il existe des lois fondées sur les mœurs, bien plus puissantes et bien plus importantes que les lois écrites ; et si l’on peut trouver dans la volonté d’un monarque