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est subjugué par la colère ou toute autre passion, il laisse de toute nécessité fausser son jugement ; mais il serait prodigieusement difficile que, dans le même cas, la majorité tout entière se mît en fureur ou se trompât. Qu’on prenne d’ailleurs une multitude d’hommes libres, ne s’écartant de la loi que là où nécessairement la loi doit être en défaut, bien que la chose ne soit pas aisée dans une masse nombreuse, je puis supposer toutefois que la majorité s’y compose d’hommes honnêtes comme individus et comme citoyens ; je demande alors si un seul sera plus incorruptible, ou si ce n’est pas cette majorité nombreuse, mais probe ? Ou plutôt l’avantage u’est-il pas évidemment à la majorité ? Mais, dit-on, la majorité peut s’insurger ; un seul ne le peut pas. On oublie alors que nous avons supposé à tous les membres de la majorité autant de vertu qu’à cet individu unique.

§ 7. Si donc on appelle aristocratie le gouvernement de plusieurs citoyens honnêtes, et royauté le gouvernement d’un seul, l’aristocratie sera certainement pour les États très —préférable à la royauté, que d’ailleurs son pouvoir soit absolu ou ne le soit pas, pourvu qu’elle se compose d’individus aussi vertueux les uns que les autres. Si nos ancêtres se sont soumis à des rois, c’est peut-être qu’il était fort rare alors de trouver des hommes supérieurs, surtout dans des États aussi petits que ceux de ce temps-là ; ou bien ils n’ont fait des rois que par pure reconnaissance, gratitude qui témoigne en faveur de nos pères. Mais quand l’État renferma plusieurs citoyens d’un mérite également distingué, on ne put souffrir plus longtemps la royauté ; on chercha une forme de gouvernement où l’autorité pût être commune, — et l’on établit la république.