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distingués ; et certes on pourrait dire plutôt sans crainte de se tromper que, dans plus d’un cas, une différence de ce genre est impossible, car on pourrait alors pousser la comparaison jusqu’aux animaux : et en quoi, je le demande, certains hommes diffèrent-ils des animaux ? Mais l’assertion, si on la restreint à une multitude donnée, peut être parfaitement juste.

§ 6. Ces considérations répondent à notre première question sur le souverain, et à celle-ci qui lui est intimement liée : A quels objets la souveraineté des hommes libres et de la masse des citoyens doit-elle s’étendre ? Je comprends par la masse des citoyens tous les hommes d’une fortune et d’un mérite ordinaires. Il y a danger à leur confier les magistratures importantes : faute d’équité et de lumières, ils seront injustes dans tel cas et se tromperont dans tel autre. Les repousser de toutes les fonctions n’est pas plus sûr : un État où tant de gens sont pauvres et privés de toute distinction publique, compte nécessairement dans son sein autant d’ennemis. Mais on peut leur laisser le droit de délibérer sur les affaires publiques, et le droit de juger.

§ 7. Aussi, Solon et quelques autres législateurs leur ont-ils accordé l’élection et la censure des magistrats, tout en leur refusant des fonctions individuelles. Quand ils sont assemblés, leur masse sent toujours les choses avec une intelligence suffisante ; et réunie aux hommes distingués, elle sert l’État, de même que des aliments peu choisis, joints à quelques aliments plus