Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/321

Cette page n’a pas encore été corrigée

parce qu’il semble au-dessous du génie d’Aristote. Si, par la restitution de ces deux livres, on rendait à l’ouvrage une régularité parfaite, qui lui manquerait sans eux, on pourrait excuser cette hardiesse justifiée par la convenance et le succès. Mais il n’en est rien. Même avec ces deux livres de plus, la Morale à Eudème n’en reste pas moins une œuvre inachevée. Le désordre qui règne dans les derniers chapitres est tel qu’ils sont presque inintelligibles, et que les copistes de l’antiquité en ont fait plus d’une fois un livre séparé, afin de bien indiquer que ces chapitres ne tiennent point à ce qui les précède. Ce désordre est-il corrigé? Ces obscurités inextricables sont- elles dissipées ? Pas le moins du monde. Mais à côté de ce prétendu avantage que l’on gagne, il faut voir aussi les pertes que l’on fait. La Morale à Nicomaque n’est pas d’une régularité irréprochable avec ces deux livres, il faut en convenir. Mais sans eux , qu’ est-elle ? Et peut-on concevoir le système de Morale d’Aristote sans les théories du sixième et du septième livres ? Comment croire qu’il n’aurait rien dit ni des vertus intellectuelles ni de l’intempérance, puisqu’on veut bien lui laisser la théorie de la justice? Mais ces deux livres, répond-on, manquaient à la Morale à Nicomaque ; on les a suppléés par la Morale à Eudème. C’est là une hypothèse; et puisque l’antiquité nous atteste que c’est, au contraire, de la Morale à Nicomaque qu’ils ont été suppléés dans la Morale à Eudème , pourquoi ne point accepter ce témoignage, qui a du moins pour lui la vraisemblance d’une autorité grave et même celle de la logique ?

Afin qu’on en juge plus aisément, voici l’ordonnance générale de la Morale à Nicomaque,