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titre équivoque de Morale à Eudème, qui peut en grec signifier tout aussi bien la Morale dédiée à Eudème, et la Morale composée par Eudème. A l’appui de cette conjecture, il rappelle un passage du commentaire sur les Topiques d’Aristote, que l'on croit d’Alexandre d’Aphrodisée, et où se trouve cité un ouvrage d’Eudème sur les Analytiques, dont le titre peut donner lieu également à cette double interprétation.

Pour démontrer que le sixième et le septième livres de la Morale à Nicomaque, avec la fin du cinquième, doivent appartenir à la Morale d’ Eudème, M. Fritzsch analyse ce dernier ouvrage, où il voit surtout un traité du bonheur plutôt qu’un système de morale proprement dit. Cependant, Eudème, en docile élève, n’en suit pas moins d’aussi près que possible les traces d’Aristote dans la Morale à Nicomaque, comme il l’a fait pour les Analytiques et pour la Physique. Mais tout en le côtoyant sans cesse, il l’amende et le corrige assez souvent, soit en éclaircissant des pensées obscures, soit en redressant des erreurs, soit en ajoutant des développements indispensables et même des opinions toutes nouvelles. M. Fritzsch va jusqu’à croire, avec M. Fischer, qu’Eudème est à certains égards supérieur à son maître, et que sa piété lui a fourni quelquefois des doctrines plus hautes et plus vraies sur la fin morale de l’homme. On aurait donc tort de prendre Eudème pour un servile imitateur ; il a son indépendance, sa personnalité qu’il n’abdique pas tout en la subordonnant ; et M. Brandis a bien fait de la recommander au souvenir de l’histoire de la philosophie. C’est plus qu’un simple commentateur ; et, sous des apparences très-modestes, c’est un philosophe qui ne manque ni de profondeur