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qu’elle instruit. Et cependant, combien peu de disciples elle a comptés dans tous les temps ! Combien peu de cœurs ont été séduits par elle ! Il est vrai que ce sont les plus nobles et les plus grands, qui se sont laissé prendre à ses grâces austères. Mais si comme Aristote on ne pense qu’au nombre, il y aurait presque à désespérer, et la plume tomberait des mains. Cependant, si les autres sciences ne se lassent pas, pourquoi la science morale se lasserait-elle ? Le prix qu’elle poursuit ne vaut-il pas le prix de tant d’autres ? Et savoir ce qu’est la vertu n’est-il pas aussi beau que de savoir comment vit l’homme et comment il s’enrichit ?

Ainsi, la science morale est une nécessité de l’esprit humain et un devoir de la philosophie ; elle n’est pas plus stérile que toutes les autres sciences ; elle s’accroit par des progrès successifs, ainsi qu’elles. Évidemment, elle les dépasse toutes par la grandeur de son objet ; et si elle est encore moins recherchée de la foule, elle peut aisément s’en consoler, loin de s’en plaindre.

Ces réflexions, qui peuvent servir de réponse à celles d’Aristote, ne sont peut-être pas non plus inutiles à la science morale de nos jours. Elle aussi pourrait quelquefois perdre courage. En face de tant