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par la vertu qui consiste à choisir ce but de préférence à tout autre. Mais l’intention ou préférence ne s’applique pas cependant à ce but lui-même ; elle s’applique seulement aux moyens qui peuvent y conduire. § 8[1]. Ainsi, c’est à une autre faculté qu’il appartient de nous révéler tout ce qu’il faut faire pour atteindre la fin que nous poursuivons. Mais ce qui fait que la fin que se propose notre intention est bonne, c’est la vertu ; et c’est elle qui en est l’unique cause.

§ 9[2]. Maintenant, on doit comprendre comment on peut, d’après l’intention, juger le caractère de quelqu’un ; c’est-à-dire, comment il faut regarder le pourquoi de son action bien plus que son action elle-même. § 10[3]. Par une sorte d’analogie, on doit dire que le vice ne fait son choix et ne dirige son intention qu’en vue des contraires. Il suffit donc que quelqu’un, quand il ne dépend que de lui de faire de belles actions et de n’en pas faire de mauvaises, fasse tout le contraire, pour qu’il soit évident que cet homme n’est pas vertueux. Par une suite nécessaire, le vice est volontaire aussi bien que la vertu ; car il n’y a jamais nécessité de vouloir le mal. § 11[4]. C’est là ce qui fait que le vice

  1. C’est à une autre faculté. La raison, qui semble reprendre en ceci la supériorité qu’on lui refusait tout à l’heure. Mais au fond, dans cette théorie la raison reste subordonnée ι la vertu décide souverainement du but que l’homme doit se proposer ; la raison n’intervient que pour lui indiquer les moyens propres à loi faire atteindre ce but. Maïs alors c’est plutôt l’intelligence que la raison ; car la raison et la vertu paraissent inséparables et identiques.
  2. D’après l’intention, juger le caractère. Principe excellent et incontestable, quoique d’une application fort difficile.
  3. Qu’en vue des contraires. Expression obscure et incomplète que la suite éclaircit en partie. — Il n’y a jamais nécessité de vouloir le mal. Socrate et Platon n’ont pas mieux dit. Le mot du texte peut signifier aussi : « faire le mal » ; mais en ce sens qu’on le veut avant de le produire ; et qu’avant l’acte du dehors on fait cet acte intérieur qui le précède et le détermine. J’ai pensé que le mot de « vouloir », bien qu’il précisât un peu plus la pensée, était cependant plus fidèle.
  4. Bien que l’acte soit préférable à la vertu. On voit qu’il faut sous entendre : « l’acte vertueux. »