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qu’on les fait tout en ne les voulant point, on les fait librement et non par force. Pour les choses au contraire qui ne dépendent pas de nous, on peut dire qu’il y a une contrainte, bien qu’il n’y ait pas une contrainte absolue, puisque l’être lui-même ne choisit pas ce qu’il fait précisément, et qu’il ne choisit que la fin en vue de laquelle il agit comme il fait. Or, c’est là une différence qui vaut la peine qu’on la remarque. § 19[1]. Si, par exemple, pour éviter d’être touché par quelqu’un on allait jusqu’à le tuer, ce serait une plaisante excuse que de dire que l’on a commis ce meurtre malgré soi et par nécessité. Il faudrait qu’on eût à souffrir un mal plus grand et plus intolérable, si l’on n’agissait pas comme on l’a fait. Car c’est bien alors qu’on obéit à la nécessité, et qu’on agit par force, ou du moins qu’on n’agit pas naturellement, lorsqu’on fait du mal en dépit de soi, ou en vue d’un certain bien, ou en vue d’un mal plus grand, qu’on veut éviter, puisque ce sont là des circonstances qui ne dépendent pas de nous. § 20[2]. Voilà pourquoi très-souvent on regarde l’amour comme involontaire, ainsi que d’autres emportements du cœur, et certaines émotions physiques qui sont, comme on dit, plus fortes que nous. Dans tous ces cas,

  1. Pour éviter d’être touché. Motif évidemment insuffisant et inadmissible, du moins dans nos mœurs car dans la société brahmanique, la loi allait jusqu’à permettre au Brahmane de tuer le Tchandola ou Paria pour une raison aussi futile. Le contact seul le constituait en état de légitime défense. — Ou du moins qu’on n’agit pas naturellement. Cette restriction était indispensable, et la première assertion était trop générale.
  2. L’amour comme involontaire. Le désir plutôt que l’amour. — Plus fortes que nous. Voir un peu plus bas le mot de Philolaüs. — Qui triomphent habituellement. Mais non pas nécessairement. — Ce que sa nature est capable de supporter. Observation très-délicate, et qui dans bien des cas doit provoquer l’indulgence.