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il n’y a plus de violence, puisqu’alors le plaisir et la peine peuvent se produire dans les deux cas. § 11[1]. En effet, celui qui se possède et reste tempérant, éprouve une certaine douleur en agissant contre son désir. Mais il jouit en même temps du plaisir que lui donne l’espérance de tirer ultérieurement un avantage de sa sagesse, ou l’assurance de conserver actuellement sa santé. De son côté, l’intempérant jouit de goûter par son intempérance l’objet de son désir. Mais il a la douleur des conséquences qu’il prévoit ; car il sait très-bien qu’il a fait une faute. § 12[2]. En résumé, on peut donc affirmer avec quelque raison que l’un et l’autre, le tempérant et l’intempérant, agissent par force ; et que l’un et l’autre agissent en quelque sorte malgré eux, sous la contrainte de l’appétit et de la raison ; car lorsque ces deux mobiles sont opposés, ils se repoussent réciproquement l’un l’autre ; et c’est ce qui fait qu’on rapporte par extension ce phénomène à l’âme tout entière, parce qu’on voit l’une de ses parties présenter quelque chose d’analogue. Ceci sans doute est exact, si on l’applique à ses parties ; mais l’âme entière de l’homme tempérant et de l’intempérant agit bien volontairement ; ni l’un ni l’autre n’agissent par contrainte ; et c’est seulement

  1. Un avantage de sa sagesse. La tempérance n’est pas si intéressée, et l’on est en général tempérant parce qu’il est bien de l’être, sans calcul ultérieur. — La douleur des conséquences. L’intempérant a des remords plutôt encore qu’il n’a des craintes.
  2. Agissent par force. Ceci semble contradictoire à ce qui précède. — Malgré eux. Ceci peut être vrai dans une certaine mesure de l’intempérance ; ce ne l’est plus de la tempérance qui obéit à la raison sans le regretter ni même en souffrir. Du reste, l’auteur lui-même réfute un peu plus bas l’opinion qu’il semble soutenir ici. — Ni l’un ni l’autre n’agissent par contrainte. Telle est la vraie pensée de tout ce passage : oui la vertu et le vice sont également volontaires, et l’homme est responsable de ce qu’il fait, parce qu’il pouvait ne pas le faire. — La nature veut…. Théories admirables, parfaitement exprimées.