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partie de la chose qu’on fait, on peut dire que ce qui est suivant la volonté est plus libre que ce qui est suivant la passion ou le cœur. La preuve, c’est que nous faisons volontairement une foule de choses sans le secours de la colère ni de la passion.

§ 11[1]. Reste donc à rechercher si c’est une seule et même chose que la volonté et la liberté. Or, il nous paraît impossible de les confondre ; car nous avons supposé, et il nous semble toujours, que le vice rend les hommes plus mauvais, et que l’intempérance est un vice d’une certaine sorte. Mais ici ce serait tout le contraire qui se produirait ; car personne ne veut ce qu’il croit mal ; et il ne le fait que, quand emporté par l’intempérance, il ne se possède plus. Si donc faire mal est un acte libre, et que l’acte libre soit celui qui est fait suivant la volonté, on ne fait plus mal quand on devient intempérant, parce qu’on perd toute domination de soi ; et l’on est même alors plus vertueux qu’avant de se laisser aller à l’intempérance, qui vous aveugle. Mais qui ne voit combien cela est absurde ? § 12[2]. J’en conclus qu’agir librement, ce n’est pas agir suivant l’appétit ; et que ce n’est pas agir sans liberté que d’agir contre lui. § 13[3]. J’ajoute que l’acte volontaire n’est pas davantage celui qui est fait après réflexion ; et voici

  1. Il nous paraît impossible de les confondre. C’est une erreur qui n’est avancée ici que pour être réfutée un peu plus bas. — Et l’on est même alors plus vertueux. Même remarque. — Qui ne voit combien cela est absurde ? Voilà l’opinion véritable de l’auteur ; mais a la manière dont il présentait les arguments contraires, on aurait pu croire qu’il les adoptait pour siens.
  2. Ce n’est pas agir suivant l’appétit. C’est agir selon la raison.
  3. Celui qui est fait après réflexion. Cet acte-là est libre aussi ; mais il n’est pas le seul libre. — Plus haut. Dans ce même chapitre, § 7. — Sur le champ. C’est la différence entre la volonté et la réflexion ; et voilà pourquoi on ne peut pas tout a fait confondre l’acte volontaire et l’acte réfléchi, bien que tous deux soient libres.