Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1248

Cette page n’a pas encore été corrigée

pendant toute sa vie. Solon avait bien raison de dire qu’on ne doit pas appeler quelqu’un heureux tant qu’il vit, et qu’il faut attendre la fin de son existence pour juger de son bonheur ; car rien d’incomplet n’est heureux, puisqu’il n’est pas entier. § 11[1]. Remarquez encore les louanges qu’on adresse à la vertu pour les actes qu’elle a inspirés, et les éloges unanimes dont les actes accomplis sont seuls l’objet. Ce sont les vainqueurs que l’on couronne ; ce ne sont pas ceux qui auraient pu vaincre, mais qui n’ont pas vaincu. Ajoutez enfin que c’est d’après les actes qu’on juge le caractère d’un homme. § 12[2]. Mais pourquoi, dira-t-on, n’accorde-t-on pas des louanges et de l’estime au bonheur ? C’est que tout le reste des choses se fait uniquement en vue de lui, soit que ces choses s’y rapportent directement, soit qu’elles en fassent partie. Voilà pourquoi trouver quelqu’un heureux et le louer, ou faire son éloge en l’estimant, sont des choses fort différentes. L’éloge, à proprement dire, s’adresse à chacune des actions particulières de la personne. La louange avec l’estime s’applique à son caractère général. Mais pour déclarer

  1. Ce sont les vainqueurs que l’on couronne. Voir une comparaison analogue dans la Morale à Nicomaque, livre I, ch. 6, § 8, p. 36. — On juge le caractère d’un homme. Pensée trop peu développée.
  2. Des louanges et de l’estime au bonheur. Voir la Morale à Nicomaque, livre I, ch. 10, § 1. — Le louer, ou faire son éloge. La distinction est plus sensible en grec ; « Louer » quelqu’un, s’applique à une action particulière de cette personne ; « faire son éloge », s’applique à l’ensemble de sa conduite et de son caractère. — En l’estimant. J’ai ajouté ceci pour rendre toute la force du mot grec.