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demander avec quelque profit s’ils contribuent ou non au bonheur, et comment ils y contribuent. On peut se demander, en admettant qu’il faille mêler à la vie quelques plaisirs honnêtes, si ce sont ceux-là qu’il y faut mêler, et s’il y a une nécessité inévitable de les prendre à quelqu’autre titre ; ou bien, s’il n’y a point encore d’autres plaisirs qu’on puisse regarder avec raison comme un élément du bonheur, en donnant des jouissances positives à sa vie, et non pas seulement en écartant la douleur loin de soi. § 14[1]. Ce sont là des questions que nous réserverons pour plus tard. Mais nous étudierons d’abord la vertu et la prudence ; nous dirons quelle est la nature de l’une et de l’autre. Nous examinerons si elles sont les éléments essentiels de la vie honnête et bonne, ou par elles-mêmes directement, ou par les actes qu’elles font faire ; car on les fait entrer toujours dans la composition du bonheur ; et si ce n’est pas là l’opinion de tous les hommes sans exception, c’est du moins l’opinion de tous ceux qui sont dignes de quelqu’estime. § 15[2]. Le vieux Socrate pensait que le but suprême de l’homme c’était de connaître la vertu ; et il consacrait ses efforts à chercher ce que c’est que la justice, le courage et chacune des parties qui

  1. Pour plus tard. La théorie annoncée ici ne se trouve pas précisément dans la Morale à Eudème ; c’est peut-être la théorie du plaisir livre VII, ch. II de la Morale à Nicomaque ; et livre X, ch. 1, et suiv. — La vertu et la prudence. Platon ne les distingue pas aussi empiétement, puisqu’il fait de la prudence une partie de la vertu. Ici elles semblent tout à fait séparées.
  2. Le vieux Socrate. C’est une expression qu’on a déjà vue dans la Grande Morale, livre II, ch. 8, § 2, et qu’on retrouvera plus loin encore dans la Morale à Eudème, livre VII, ch. 1, § 15. Elle est assez singulière. — Et chacune des parties. C’est là en effet une des théories de Socrate et de Platon, République, livre IV, p. 210 et suiv. de la traduction de M. Cousin. — Toutes les vertus sont des sciences. Voir la Grande Morale, livre I, ch. 1, à la fin, § 26. — Du même coup connaître la justice et être juste. C’est en effet une erreur ; et l’on ne voit que trop souvent la contradiction déplorable de la science et du vice. On peut fort bien savoir ce que c’est que la vertu sans être vertueux. — Éléments réels. J’ai ajouté ce dernier mot.