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sans cesse les yeux fixés sur la vie future, qui complète et qui explique celle-ci. Aristote, au contraire, ne s’inquiète en rien de la vie future, parce qu’il n’y croit pas, non plus qu’à une âme immatérielle. De là, toute la différence des deux systèmes, séparés de la distance d’opinions diamétralement opposées.

Un côté où Aristote reprend l’avantage, sans compenser d’ailleurs cette profonde infériorité, c’est celui de la forme. Tout admirable qu’est l’art de Platon, on sent de reste que le dialogue ne peut être l’instrument de la science. Quand le dialogue reproduit les entretiens d’un Socrate, et que c’est un Platon qui l’emploie, on en comprend la grandeur et la beauté. Dans d’autres mains, sans parler même des mains maladroites et vulgaires, c’est un moyen insuffisant et trop peu sérieux ; c’est un jeu d’esprit qui fausse et obscurcit la pensée, sans lui donner la moindre grâce. Aristote s’est bien gardé de suivre ce dangereux exemple ; et il a imposé à la science la forme didactique que depuis lors elle n’a point dû changer. C’est un grand mérite sur lequel j’ai insisté ailleurs *, et dont il faut lui savoir beaucoup de gré. En morale, ce mérite est éclatant ; car la

(1) Voir ma préface à la traduction du Traité de l’âme, p. LXXTf-