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mêmes que nous pouvons l'exercer dans les détails les plus minutieux. C'est surtout à nous que nous pouvons vouloir du bien, souhaiter une longue vie, une vie heureuse ; c'est encore pour nous que nous sommes surtout sympathiques ; c'est surtout avec nous que nous voulons vivre. Par conséquent, si l'amitié se reconnaît à tous ces signes, et si nous voulons en effet pour nous toutes ces conditions particulières de l'amitié, on en doit conclure évidemment qu'il est possible d'avoir de l'amitié pour soi-même, tout comme nous avons dit qu'il est possible d'avoir de l'injustice envers soi.

§ 48. Mais comme dans l'injustice il y a toujours deux individus différents, l'un qui la commet et l'autre qui la souffre, et que soi-même on est nécessairement toujours un, il semblait, par cela seul, qu'il ne pourrait pas y avoir d'injustice de soi envers soi-même. Il y en a cependant, ainsi que nous l'avons fait voir en analysant les diverses parties de l'âme ; et nous avons démontré que l'injustice envers soi-même peut avoir lieu, quand les parties différentes de l'âme ne sont pas d'accord entre elles.

§ 49. Une explication analogue pourrait s'appliquer à l'amitié envers soi-même. En effet, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, quand nous voulons exprimer d'un de nos amis qu'il est notre ami intime, nous disons : « Mon âme et la sienne ne font qu'un. » Puis donc que l'âme a plusieurs parties, elle ne sera une que quand la raison et les passions qui la remplissent seront entre