§ 40. Autre question : L'intempérant est-il débauché ? ou le débauché est-il intempérant? Ou bien plutôt, l'un n'est-il pas du tout la conséquence de l'autre ? L' intempérant, avons-nous dit, est celui dont la raison combat les passions ; mais le débauché n'est pas dans ce cas ; et c'est celui qui, tout en faisant le mal, a l'acquiescement de sa raison. Ainsi, le débauché n'est pas du tout comme l'intempérant, ni l'intempérant comme le débauché.
§ 41. On peut dire encore que le débauché est au-dessous de l'intempérant, en ce que les vices de nature sont plus difficiles à guérir que ceux qui ne viennent que de l'habitude; car toute la force de l'habitude se réduit à faire que les choses deviennent en nous une seconde nature.
§ 42. Ainsi donc, le débauché est celui qui, par sa propre nature et tel qu'il est, se trouve capable d'être vicieux ; et c'est de cette cause et de cette source unique que vient en lui une raison mauvaise et perverse. Mais l'intempérant n'en est pas là ; ce n'est pas parce qu'il est naturellement mauvais que la raison n'est pas bonne en lui ; car elle serait en lui de toute nécessité mauvaise, s'il était lui-même par sa nature ce qu'est l'homme vicieux.
§ 43. En un mot, l'intempérant est vicieux par habitude, et le débauché l'est par nature. Mais le débauché est plus difficile à guérir; car une habitude peut être chassée par une autre habitude, tandis que la nature n'est jamais chassée par rien.