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qui nous apprend qu'il faut s'abstenir, on se laisse amollir et entraîner par le plaisir, on se rend beaucoup plus coupable. L'homme vertueux ne deviendra jamais intempérant de cette façon-là; et la raison même, prenant les devants, n'aura point à le guérir. C'est la raison seule qui est son guide souverain ; mais l'intempérant n'obéit pas à la raison et se livrant tout entier à la volupté, il se laisse amollir, et, l'on peut dire, énerver par elle.

§ 38. Plus haut, nous nous sommes demandé si le sage est tempérant; c'est une question que nous pouvons maintenant résoudre. Oui, le sage est tempérant aussi ; car l'homme tempérant n'est pas seulement l'homme qui sait par sa raison dompter les passions qu'il ressent ; mais c'est encore celui qui, sans éprouver ces passions, serait capable de les vaincre, si elles venaient à naître eu lui.

§ 39. Le sage est celui qui n'a pas de mauvaises passions, et qui possède en outre la droite raison faite pour les maîtriser. Le tempérant est celui qui ressent de mauvaises passions, et qui sait y appliquer sa droite raison ; par conséquent, le tempérant vient à la suite du sage, et il est sage aussi. Le sage est celui qui ne sent rien ; le tempérant est celui qui sent et qui domine, ou saurait dominer, au besoin, ce qu'il éprouve. Rien de tout cela ne se passe dans le sage, et il ne faudrait pas confondre tout à fait le tempérant avec lui.