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raison que celui qui s'y donne au-delà de ce qu'il faut, est appelé, tout à fait à juste titre, un intempérant.

§ 24. Mais comme de toutes les intempérances, autres que celle des plaisirs du corps, l'intempérance de la colère est la plus blâmable, on peut se demander si l'intempérance de la colère est plus blâmable que celle des voluptés. L'intempérance de la colère est absolument comme l'empressement des esclaves qui mettent trop de zèle à leur service. A peine le maître leur a-t-il dit : «  Donne-moi.... » qu'emportés par leur zèle, ils donnent avant d'avoir entendu ce qu'ils doivent donner ; et souvent ils se trompent clans ce qu'ils apportent ; quand on leur demande un livre, ils vous donnent un stylet pour écrire.

§ 25. L'homme intempérant, en fait de colère, est dans le même cas que ces esclaves. A peine entend-t-il la première parole qui lui apprend le tort qu'on lui a fait, que son coeur se soulève aussitôt d'un désir effréné de vengeance ; et le voilà désormais incapable d'écouter un seul mot, pour savoir s'il fait bien ou mal de s'emporter, ou si du moins il ne s'emporte pas au-delà de toutes les bornes.

§ 26. Ce penchant à la colère, qu'on peut appeler l'intempérance de colère, ne me parat pas très blâmable. Mais l'intempérance qui abuse du plaisir, l'est, à mon avis, bien davantage. Ce second emportement diffère de l'autre, en ce que^la raison y intervient pour empêcher d'agir ; et l'intempérant