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la passion qui le dominait a faite taire la raison ; mais quand la passion a cessé, comme cesse l'ivresse, l'intempérant redevient ce qu'il était avant d'y céder.

§ 18. Venons maintenant à cet autre raisonnement assez embarrassant, qu'on faisait pour démontrer que parfois l'intempérance pouvait être digne de louange, et la tempérance, digne de blâme. Ce second raisonnement ne vaut pas mieux que le premier. Le tempérant, non plus que l'intempérant, n'est pas celui qu'abuse sa raison ; c'est l'homme qui a la raison droite et saine, et qui juge fort bien par elle ce qui est mauvais et ce qui est bon ; mais qui devient intempérant, quand il désobéit à cette raison, et tempérant, quand il s'y soumet, en ne se laissant pas entraîner par les passions qu'il ressent. D'un homme qui trouve affreux de frapper son père, mais qui s'abstient de le faire, quand par hasard il a ce désir abominable, on ne peut pas dire qu'il sait se dominer, et qu'à ce titre il peut être appelé tempérant.

§ 19. Mais s'il n'y a dans tous les cas de ce genre que l'on peut supposer, ni tempérance ni intempérance, l'intempérance ne saurait être digne de louange, ni la tempérance digne de blâme, comme on le prétendait.

§ 20. Il y a des intempérances qui ne sont que maladives ; il y en a d'autres qui sont naturelles : par exemple, c'est un effet de la maladie de ne pas pouvoir se retenir de s'arracher les cheveux et de les