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science qu'on refuse à l'intempérant. Ainsi que nous l'avons fait voir, il semble absurde de supposer qu'un homme qui a la science, la perdit tout-à-coup ou la laissât déchoir en lui.

§ 12. Même raisonnement pour la simple opinion, le vague soupçon ; et il n'y a ici aucune différence entre l'opinion incertaine et la science précise. Du moment, en effet, que la simple opinion, par sa vivacité même, sera devenue solide et inébranlable, elle ne présentera plus la moindre différence avec la science pour ceux qui ont ces opinions, parce qu'ils croiront que les choses sont bien réellement comme leur opinion les leur fait voir. Et il parait qu'Héraclite d'Éphèse avait cette opinion imperturbable dans toutes les croyances qu'il enfantait.

§ 13. Ainsi, il n'y a rien d'absurde à penser que l'intempérant, soit en ayant la science véritable; soit en ayant la simple opinion, telle que nous la supposons ici, puisse encore faire le mal. C'est que le mot de savoir a un double sens : dans l'un, savoir signifie posséder la science ; et nous disons que quelqu'un sait une chose, quand il possède la science de cette chose ; dans l'autre sens, savoir signifie agir conformément à la science qu'on a. Ainsi, l'intempérant peut fort bien être l'homme qui a la science du bien, mais qui n'agit pas conformément à cette science.

§ 14. Lors donc qu'il n'agit pas selon cette