leur ignorance, on ne peut pas les accuser, ni les croire coupables.
§ 27. Une question s'élève, non plus sur l'injustice qu'on fait, mais sur celle qu'on souffre; et l'on demande : Peut-on volontairement souffrir une injustice ? Ou bien est-ce impossible? Nous faisons bien librement et volontairement des choses justes ou même des choses injustes ; mais nous ne sommes jamais volontairement les victimes de l'injustice. Nous fuyons avec grand soin tout ce qui nous peut nuire, et il n'est pas moins évident que nous ne souffririons pas de notre plein gré le tort qu'on nous fait, si nous pouvions l'empêcher. Personne ne supporte volontiers qu'on lui fasse tort ; et souffrir une injustice, c'est essuyer un tort et un dommage.
§. 28. Oui ; tout cela est vrai ; mais il y a des cas où, quoi qu'on pût exiger l'égalité, on concède une partie de ses droits aux autres. Et alors, s'il était juste qu'on eût une part égale, avoir une moindre part est une injustice ; et comme on subit la réduction volontairement, il en résulte, dit-on, que l'on souffre volontairement une injustice. Voilà sans doute ce qu'on peut dire. Mais une preuve que le tort n'est pas réellement consenti, c'est que ceux qui, dans ces cas, se contentent d'une moindre part que la leur, réclament en place de ce qu'ils cèdent, ou de l'honneur, ou de la louange, ou de la gloire, ou de l'affection, ou telle autre compensation de ce genre. Or, celui qui échange quelque