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CONSTITUTION D’ATHÈNES

été arrêté et longtemps maltraité. À la torture il dénonça beaucoup de gens qui étaient nobles de naissance et amis des tyrans[1]. C’est qu’on ne put sur-le-champ saisir une trace de la conjuration ; et la tradition commune[2], suivant laquelle Hippias désarma les membres de la procession et découvrit ainsi ceux qui portaient des poignards, est fausse ; car alors on ne faisait pas la procession en armes ; cet usage fut introduit plus tard par la démocratie.  Aristogiton dénonça donc des amis des tyrans, selon la version démocratique, à dessein, pour les rendre à la fois faibles et sacrilèges en leur faisant tuer des innocents qui étaient leurs amis ; selon certains, sans feinte et en dénonçant ses véritables complices.  À la fin, voyant qu’il ne pouvait mourir malgré tous ses efforts, il promit de dénoncer beaucoup d’autres gens et décida ainsi Hippias à lui donner la main en signe de foi ; puis, quand il la tint, il injuria Hippias en disant qu’il donnait la main au meurtrier de son frère, et il l’exaspéra à tel point que celui-ci, ne pouvant contenir sa colère, tira son épée et le tua.


Expulsion des Pisistratides.

XIX. Après cela la tyrannie devint beaucoup plus dure ; voulant venger son frère et après avoir tué ou exilé bien des gens, Hippias se défait de tous et devenait cruel pour tous.  Trois ans 511/0exactement après la mort d’Hipparque, comme sa situation dans la ville était menacée, il entreprit de fortifier Munichie[3] pour s’y établir. Il y était occupé quand il fut chassé par Cléomène, roi de Lacédémone ; car des oracles répétés ordonnaient aux Lacédémoniens de détruire la tyrannie.  En voici la raison : les bannis, dont les Alcméonides étaient les chefs, ne pouvaient opérer leur rentrée par eux-mêmes et échouaient toujours ; ils ne réussissaient dans

  1. Cf. Diodore X 16 ; Polyen I 22.
  2. Allusion à Thucydide VI 58, 2 ; sur la façon dont Aristote en parle, voir Introduction p. iv et p. 15 note 3. Le σκόλιον de Callistratos, conservé par Athénée, dit que les conjurés cachèrent leurs poignards dans les branches de myrte qu’ils portaient à la procession.
  3. La hauteur de Munichie, dominant les ports, fut toujours un point stratégique important ; cf. XXXVIII 1, LXI 1 ; Thucydide VIII 92, 5.