agissait ainsi pour deux raisons : afin qu’au lieu de passer leur temps à la ville ils restassent dispersés à la campagne et afin que, pourvus d’une honnête aisance et tout entiers à leurs affaires personnelles, ils n’eussent ni le loisir ni le désir de s’occuper de celles de l’État. 4 En même temps ses revenus augmentaient quand la campagne était cultivée ; car il prélevait la dîme[1] des produits. 5 C’est dans ce dessein aussi qu’il établit les juges des dèmes[2], et lui-même sortait souvent dans la campagne pour inspecter et réconcilier ceux qui avaient des différends, afin de les empêcher de descendre à la ville et de négliger leur travail. 6 C’est lors d’une de ces sorties de Pisistrate qu’arriva, dit-on, l’aventure de l’homme qui cultivait dans l’Hymette le lieu appelé plus tard le « Champ Franc[3] ». Pisistrate, voyant quelqu’un qui défonçait et travaillait un endroit qui n’était que pierres, s’étonna et ordonna à son esclave de demander ce que produisait le champ. Et le paysan : « Rien que des souffrances et des gémissements ; et c’est sur ces souffrances et ces gémissements qu’il faut que Pisistrate prélève sa dîme. » Cet homme répondait ainsi par ignorance. Mais Pisistrate, amusé de sa franchise et de son amour du travail, l’exempta de tout impôt. 7 D’ailleurs, dans son gouvernement, il ne gênait en rien le peuple : il lui assurait toujours la paix et veillait à sa tranquillité. Aussi répétait-on souvent avec éloge que la tyrannie de Pisistrate, c’était la vie sous Cronos[4] ; car c’est seulement plus tard, quand ses fils lui eurent succédé, que le gouvernement devint bien plus dur. 8 Ce qu’on citait le plus, c’était son amour du peuple et son humanité. Car en tout il voulait gouverner selon les lois sans s’accorder
- ↑ Thucydide VI 54, 5 fixe cet impôt au vingtième de la récolte, ce qui est plus vraisemblable ; en effet tous les historiens s’accordent à reconnaître que la domination de Pisistrate fut modérée, du moins par rapport à celle de ses fils ; cf. ibid., 7.
- ↑ Sur les juges des dèmes, cf. XXVI 3 et LIII 1 : il y en eut trente au temps de Périclès, quarante après la restauration de la démocratie en 403.
- ↑ Cf., dans Diodore IX 57, Zénobios IV 76 et les Anecdota graeca de Villoison II 40, la même historiette, destinée sans doute à expliquer un proverbe ou un nom de lieu.
- ↑ Expression proverbiale ; cf. [Platon] Hipparque 229 B ; Plutarque, Aristide XXIV, Cimon X.