Page:Aristote - Constitution d’Athènes, trad. Haussoullier et Mathieu, 1922.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
CONSTITUTION D’ATHÈNES

4Et encore, à propos de l’abolition des dettes et de ceux qui, auparavant esclaves, avaient été affranchis par la sisachthie :

« Oui[1], le but pour lequel j’ai réuni le peuple, me suis-je arrêté avant de l’avoir atteint ? Elle peut mieux que tout autre m’en rendre témoignage au tribunal du temps, la vénérable mère des Olympiens, la Terre noire, dont j’ai alors arraché les bornes[2] enfoncées en tout lieu ; esclave autrefois, maintenant elle est libre. J’ai ramené à Athènes, dans leur patrie fondée par les dieux, bien des gens vendus[3] plus ou moins justement, les uns réduits à l’exil par la nécessité terrible, ne parlant plus la langue attique, tant ils avaient erré en tous lieux ; les autres ici même subissant une servitude indigne et tremblant devant l’humeur de leurs maîtres, je les ai rendus libres. Cela, je l’ai fait par la force de la loi, unissant la contrainte et la justice ; et j’ai suivi mon chemin jusqu’au bout comme je l’avais promis. J’ai rédigé des lois égales pour le bon et pour le méchant, fixant pour chacun une justice droite. Si un autre que moi avait pris l’aiguillon, un homme pervers et avide, il n’aurait pu retenir le peuple. Car, si j’avais voulu ce qui plaisait alors aux ennemis du peuple ou encore ce que leurs adversaires leur souhaitaient, la cité fût devenue veuve[4] de bien

  1. Vingt-sept trimètres iambiques, dont dix-sept sont cités par Ælius Aristide (tout le début sauf la première phrase) et sept (au milieu) par Plutarque, Solon XV. Le trimètre iambique (qui devait être plus tard le mètre préféré du dialogue dramatique) sert ici à donner à la poésie de Solon le ton rapide du discours politique. Nous avons ainsi une véritable apologie de Solon écrite par lui-même quelque temps après son archontat.
  2. Il s’agit des bornes qui témoignaient des droits du créancier sur la terre du débiteur, et que la suppression des dettes a fait disparaître.
  3. Ces vers nous prouvent que la sisachthie a bien été, de l’aveu même de Solon, une abolition complète des dettes de toute nature, puisqu’elle a libéré tous les esclaves pour dettes. D’ailleurs, les accusations rapportées au chap. VI 2 n’ont pu prendre naissance que dans ce cas, et non dans celui d’une réduction des dettes qui n’aurait pas touché les débiteurs complètement insolvables.
  4. Même métaphore chez Hérodote VI 83 : Ἄργος δὲ ἀνδρῶν ἐχηρώθη ὥστε οἱ δοῦλοι αὐτῶν ἔσχον πάντα τὰ πρήγματα ἄρχοντές τε καὶ διέποντες.