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CONSTITUTION D’ATHÈNES

Poésies politiques de Solon.

XII. Qu’il en ait été ainsi, tous les autres auteurs en sont d’accord, et lui-même le rappelle en ces termes dans son œuvre poétique :

« Au peuple[1] j’ai donné autant de puissance qu’il suffit, sans rien retrancher ni ajouter à ses droits. Pour ceux qui avaient la force et en imposaient par leur richesse, pour ceux-là aussi je me suis appliqué à ce qu’ils ne subissent rien d’indigne. Je suis resté debout, couvrant les deux partis d’un fort bouclier, et je n’en ai laissé aucun vaincre injustement. »

2Puis, montrant encore comment on doit traiter le peuple, il dit :

« Le peuple[2] suivrait au mieux ses chefs, si on ne lui lâchait trop la bride et si on ne le brutalisait pas. Car la satiété engendre la démesure[3], quand une grande fortune échoit à ceux qui n’ont pas une sagesse suffisante. »

3Puis ailleurs encore il dit à propos de ceux qui voulaient partager la terre :

« Ils venaient[4] au pillage avec de folles espérances, et chacun d’eux s’attendait à trouver une grande richesse et à me voir, malgré la douceur de mes paroles trompeuses, dévoiler un esprit impitoyable. Vaines pensées ! Maintenant, irrités contre moi, tous me regardent de travers comme un ennemi. C’est à tort ; car ce que j’avais dit, je l’ai accompli avec l’aide des dieux ; pour le reste je n’ai pas agi à la légère et il ne me plaît pas de rien faire avec une violence tyrannique, ni de donner aux bons et aux mauvais une part égale de la grasse terre de la patrie. »

  1. Distiques élégiaques cités par Plutarque, Solon XVIII. Il semble que nous ayons un commentaire de ces vers dans Aristote, Politique 1274 a 15-19.
  2. Distiques élégiaques cités par Plutarque, Comparaison de Solon et de Publicola II ; la maxime finale est citée aussi par Clément d’Alexandrie, Stromates III 129 et se retrouve dans Théognis 153-4.
  3. Pindare (Olympiques XIII 12) emploie l’expression inverse (ὕβριν κόρου ματέρα θρασύθυμον) ; de même un oracle cité par Hérodote VIII 77.
  4. Tétramètres trochaïques ; deux sont cités par Plutarque, Solon XVI, et deux par Ælius Aristide II, p. 536.