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CONSTITUTION D’ATHÈNES

Et en général il ne cesse d’attribuer aux riches la responsabilité de la guerre civile ; c’est pourquoi au début de son élégie il dit aussi qu’il craint « l’avidité et l’orgueil », comme ayant donné naissance à la haine.


Réformes de Solon : l’abolition des dettes.

VI. Devenu maître des affaires, Solon affranchit le peuple pour le présent et pour l’avenir par l’interdiction de prêter en prenant les personnes pour gages ; il fit des lois et abolit les dettes, tant privées que publiques, par la mesure qu’on appela sisachthie[1] (rejet du fardeau), parce qu’on rejeta alors le fardeau.  À ce propos, certains tentent de le calomnier[2]. En effet il arriva que Solon, sur le point de faire la sisachthie, en parla à quelques nobles ; puis, d’après ce que disent les démocrates, il fut victime d’une manœuvre de ses amis ; selon ceux qui veulent le calomnier, il y prit part lui-même. Ces gens empruntèrent pour acheter beaucoup de terres ; et quand, peu après, les dettes eurent été abolies, ils se trouvèrent riches ; c’est de là que vinrent, dit-on, ceux qu’on appela plus tard les « anciens riches ».  Néanmoins la version démocratique est plus digne de foi ; car il n’est pas vraisemblable que dans ses autres mesures Solon se soit montré modéré et impartial au point, lui qui pouvait soumettre les autres à son autorité et devenir tyran d’Athènes, de s’être fait haïr par les deux partis et d’avoir fait plus de cas de l’honneur et du salut de l’État que de sa propre grandeur, et que dans des affaires si infimes et si visibles il se soit ainsi sali.  Et il avait bien le pouvoir que j’ai dit : la situation troublée en témoigne, lui-même le rappelle souvent

  1. Cette mesure fut une abolition complète des dettes de toute nature (cf. les vers de Solon, chap. XII 5) par une sorte d’application rétroactive de la loi interdisant l’esclavage pour dettes. Après le ve s. au contraire, l’abolition des dettes fut considérée comme le signe de l’extrême anarchie (cf. Platon, République 566 A, Lois 648 D ; Isocrate, Panathénaïque 259 ; Démosthène, Contre Timocrate 149) ; aussi certains auteurs (en particulier Androtion, cité par Plutarque, Solon XV), désireux de concilier la mesure de Solon avec l’état de l’opinion publique de leur temps, cherchèrent-ils à faire de la sisachthie une simple réduction des dettes due à la réforme monétaire.
  2. Cf. Plutarque, Solon XV ; Praecepta gerendae reipublicae XII 10.