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INTRODUCTION

verain », a-t-il dit au chap. xli 2. Mais d’autres passages de la Politique même nous permettent une vue plus juste. D’abord, au L. VI (1317 a 40 suiv.), recherchant le principe même de la démocratie, il établit que l’égalité démocratique est fondée sur le nombre et non sur le mérite, d’où il résulte que la souveraineté appartient au plus grand nombre et que la décision de la majorité fait le droit. L’analyse est bien connue et a été admirée par d’autres que par des partisans du régime démocratique (R. Dareste, La Science du droit en Grèce, 1893, p. 267). Puis nous avons dit déjà qu’il n’était pas exact que les décrets fussent souverains. Pour les tribunaux, il résulte de la définition même qu’Aristote a donnée du citoyen au L. III (1275 b 18) que l’exercice du pouvoir judiciaire est une de ses attributions essentielles : la souveraineté du peuple s’exerce aux tribunaux comme à l’assemblée (Cf. Platon, Lois, 767 e et suiv.). Puisque tel est le droit, toute la question est de savoir comment le peuple athénien en a usé. Il s’est défié de ses tribunaux : pour les garder contre l’intrigue et la corruption, il a multiplié les mesures de précaution, compliqué les tirages au sort, et Aristote s’est complu, non sans malice, à décrire tous ces menus moyens de défense dont l’efficacité reste douteuse ; mais devons-nous penser que la justice a été plus mal rendue à Athènes que dans toute autre cité grecque, sous la démocratie plus mal que sous un autre régime ? Rien ne nous y autorise. Une grande cité commerçante et industrielle comme Athènes n’aurait pu vivre avec une justice faussée. Laissons donc le philosophe déplorer dans la Politique ce qu’il considère comme un déplacement d’autorité, une déviation : au temps d’Aristote ni la constitution athénienne n’est suffisamment usée, ni les mœurs ne sont assez perverties pour justifier toutes les sévérités du théoricien.