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établie parmi les Mille[1], s’adjoignirent dix gouverneurs du Pirée[2], onze gardiens de la prison et trois cents serviteurs porteurs de fouets et maintirent la ville autocratiquement.  Au début ils étaient modérés à l’égard des citoyens et feignaient d’appliquer la constitution des ancêtres ; ils enlevèrent de l’Aréopage les lois d’Éphialte et d’Archestratos concernant les Aréopagites, et celles des lois de Solon qui provoquaient des discussions, ainsi que le pouvoir de décision souveraine qu’avaient les juges ; ils prétendaient redresser ainsi la constitution et la soustraire aux discussions. Par exemple, en ce qui concerne les donations, ils rendirent chacun absolument libre de donner à qui il voudrait et enlevèrent les entraves mises à ce droit : « excepté en état de folie ou de sénilité ou sous l’influence d’une femme », cela afin d’enlever tout moyen d’action aux sycophantes. Et pour le reste ils agissaient de même.  Telle fut leur conduite, au début du moins ; et ils exécutaient les sycophantes et les scélérats qui parlaient au peuple contre son véritable intérêt pour lui être agréables et créaient des embarras. Ces actes faisaient plaisir aux citoyens qui croyaient que les Trente agissaient pour le bien de l’État.  Mais, quand ils tinrent plus solidement la ville, ils n’eurent égard à aucun citoyen ; ils mettaient à mort ceux qui se distinguaient par leur fortune, leur naissance ou leur réputation, afin de supprimer leurs sujets de crainte et par désir de piller les fortunes ; et en peu de temps, ils n’avaient pas tué moins de quinze cents personnes[3].


Divisions entre les Trente.

XXXVI. Comme l’État s’affaiblissait ainsi, Théramène, indigné de ce qui se passait, conseilla aux Trente d’abandonner leurs procédés impudents et de faire participer au gouvernement les plus honnêtes gens. Tout d’abord ils s’y opposèrent ; puis, comme le bruit de ces discussions s’était répandu dans la foule et que la majorité était favorable à Théramène, ils craignirent qu’il ne devint chef du parti

  1. C’est-à-dire sans doute parmi les chevaliers ; cf. Philochore, fr. 100.
  2. Cf. Bekker, Anecdota graeca 235.
  3. Cf. Isocrate, Aréopagitique 67, Panégyrique 113 ; Eschine, Contre Ctésiphon 23.