Page:Aristote - Constitution d’Athènes, trad. Haussoullier et Mathieu, 1922.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des gens qui profitèrent de sa colère pour l’égarer[1]. Puis, comme les Lacédémoniens voulaient évacuer Décélie et rétablir l’état de paix à condition que chacune des deux puissances gardât ce qu’elle occupait, certains favorisèrent ce projet ; mais la majorité ne voulut rien entendre, trompée par Cléophon, qui empêcha la conclusion de la paix[2] en venant à l’Assemblée ivre et recouvert d’une cuirasse, déclarant qu’il s’y opposerait si les Lacédémoniens n’évacuaient pas toutes les villes.  Les Athéniens, qui n’avaient pas su profiter alors des circonstances favorables, reconnurent bientôt leur faute. L’année suivante, sous l’archontat 405/4 d’Alexias, ils perdirent la bataille navale d’Aigos-Potamoi, à la suite de laquelle Lysandre, devenu maître de la ville, établit les Trente de la façon suivante.  La paix ayant été accordée aux Athéniens à condition qu’ils appliquent la constitution de leurs ancêtres, les démocrates cherchaient à conserver la démocratie ; ceux des notables qui faisaient partie des sociétés secrètes et les bannis revenus après la paix désiraient l’oligarchie ; ceux qui ne faisaient partie d’aucune société secrète et qui d’ailleurs ne paraissaient inférieurs à nul autre citoyen recherchaient vraiment la constitution des ancêtres. Archinos, Anytos, Cleitophon, Phormisios et bien d’autres étaient parmi eux, et leur principal chef était Théramène. Mais quand Lysandre se fut rangé du côté des partisans de l’oligarchie, le peuple épouvanté dut l’accepter à mains levées, et le décret fut rédigé par Dracontidès d’Aphidna[3].


Premières mesures des Trente.

XXXV. C’est de cette façon que les Trente furent établis sous l’archontat de 404/3 Pythodoros. Devenus maîtres absolus de l’État, ils laissèrent de côté les décisions concernant la constitution ; ils choisirent seulement cinq cents membres du Conseil et les autres magistrats sur une liste de candidats

  1. Chaque stratège aurait dû être jugé séparément et au scrutin secret. En réalité six seulement (cf. Philochore fr. 121) furent condamnés et exécutés (mais cf. Platon, Apologie 32 B, Axiochos 368 D).
  2. En 410, selon Diodore XIII 51-53 et Philochore fr. 118 ; en 405, selon Lysias, Contre Agoratos 8 et Eschine, Sur l’Ambassade 76.
  3. Cf. Lysias, Contre Ératosthène 73 ; Xénophon, Helléniques II 3, 2 ; Diodore XIV 3, 6.