Page:Aristote (trad. Barthélemy-Saint-Hilaire) - Logique, tome 1, Ladrange, 1844.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette faculté cette énergie particulière de retenir tout au moins les traces des faits particuliers, et de convertir leur multiplicité variable en une unité indivise qui ne peut plus changer. Ce n’est point là une sensation transformée, comme a pu l’entendre plus tard l’école condillacienne. À côté de la passivité évidente de l’intelligence, il y a certainement aussi une activité sur laquelle Aristote n’insiste pas assez, mais qu’il n’omet point. Si cette théorie n’est pas sensualiste, on peut bien moins encore soutenir qu’elle soit spiritualiste. Il faut réserver ce nom pour les systèmes qui, tout en admettant l’élément empirique de la connaissance, déclarent nettement que cet élément ne suffit pas, et qu’il faut que l’esprit le complète en lui adjoignant un autre. La pensée d’Aristote n’est ni sensualiste tout à fait, ni assez spiritualiste. Elle est équivoque, et elle est déjà sur la pente où quelques-uns de ses successeurs ne sauront point se retenir, et où se précipitera plus d’une école en invoquant, bien qu’à tort, le grand nom du péripatétisme[1]

Certes, on peut blâmer Aristote d’être resté indécis sur un pareil problème. Il devait se pro-

  1. Le fameux axiome « nihi est in intellectu quod non prius fuerit in sensu, » n’est pas d’Aristote, malgré les autorités sans nombre, et dont quelques-unes sont assez graves, qui l’ont affirmé.