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§ 20[1]. De plus, les contraires, dès qu’il y a un sujet qui les reçoit, peuvent se changer l’un dans l’autre, à moins que l’un des deux uniquement ne soit une nécessité physique, comme la chaleur dans le feu. En effet, l’homme bien portant peut devenir malade, le blanc peut devenir noir, le froid peut devenir chaud, le chaud peut devenir froid, le bon peut devenir mauvais ; le mauvais peut devenir bon. Ainsi, l’homme pervers ramené à de meilleures habitudes, à de meilleurs conseils, peut s’amender en quelques points, quelque légers qu’ils soient ; et s’il s’amende une fois, quelque peu que ce soit, il est évident qu’il changera complètement de conduite, ou qu’il recevra du moins une grande amélioration. Il acquiert de plus en plus de penchant à la vertu, et quelque légère que soit l’amélioration qu’il ait sentie dès le principe, il est probable qu’elle ne fera que s’accroître par le temps ; et les progrès continuant toujours, il finira, à moins que le temps ne l’arrête, par arriver à une manière d’être totalement différente de la première. Mais pour la privation et la possession, il est impossible qu’elles se changent jamais l’une dans l’autre. De la possession il peut bien se faire un changement en privation ; mais il n’y a pas de changement possible de la privation à la possession : quand on est une fois devenu aveugle, on ne recouvre pas la vue ; un homme chauve n’est jamais devenu chevelu, un édenté n’a jamais fait de dents.

  1. Comme la chaleur dans le feu, Voir le § précédent — On peut remarquer aussi une certaine abondance de mots dans ce §. — Une fois devenu aveugle, Dans le sens rigoureux du mot.