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Ainsi donc il n’est pas nécessaire que l’un ou l’autre de ces contraires appartienne à tout le sujet qui les reçoit ; mais c’est nécessaire seulement, dans les choses qui naturellement n’ont qu’un seul des contraires ; et alors ce contraire unique est en elles d’une manière déterminée, et non pas indifféremment. On le voit donc, tout ce que l’on a dit jusqu’ici est inapplicable à la privation et à la possession. D’abord, il n’est pas toujours nécessaire que l’une ou l’autre se trouve dans le sujet qui les peut admettre : ce qui naturellement n’a pas encore dû avoir de vue n’est pas appelé aveugle ou voyant. Ainsi donc la privation et la possession ne sont pas au nombre des contraires sans intermédiaire. Elles ne sont pas non plus de ceux qui ont des intermédiaires ; car il faut toujours nécessairement que l’un d’eux se trouve dans tout l’objet qui les reçoit : ainsi, d’un objet fait par nature pour avoir actuellement la vue, on dit qu’il est aveugle ou qu’il a la vue, sans que positivement l’une de ces deux propriétés soit déterminée, l’une pouvant être aussi bien que l’autre, puisqu’il n’y a pas nécessité que l’être soit aveugle ou qu’il ait la vue, et qu’il peut indifféremment être l’un, ou avoir l’autre. Loin de là, dans les contraires qui ont des intermédiaires, on se rappelle qu’il n’y a jamais nécessité que l’un ou l’autre appartienne à tous les objets qui peuvent les admettre, mais ils peuvent appartenir à quelques-uns ; et ces objets alors n’en ont qu’un seul d’une manière spéciale, et non pas indifféremment un des deux. Concluons donc qu’évidemment les choses énoncées par privation et possession, ne sont opposées entre elles d’aucune des deux façons dont les contraires peuvent l’être entre eux.