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ont des ailes sans être pour cela des oiseaux. La réciprocité se rétablit si l’application est exacte : ainsi l’aile est l’aile d’un animal ailé, et l’animal ailé est ailé par l’aile. § 11[1]. Parfois aussi, il est nécessaire de créer un mot spécial, quand il n’existe pas de terme auquel on puisse légitimement rapporter la chose. Par exemple, si l’on veut rapporter gouvernail à navire, l’application n’est pas exacte ; car ce n’est pas parce que l’objet est vaisseau qu’on dit son gouvernail, puisqu’il y a des vaisseaux sans gouvernail. La réciprocité est donc ici détruite, puisqu’on ne peut pas dire réciproquement que le vaisseau est le vaisseau du gouvernail. Mais peut-être l’appellation des mots serait-elle plus juste, si l’on disait, par exemple : Le gouvernail est le gouvernail d’une chose « gouvernallisée », ou si l’on employait toute autre expression pareille, attendu qu’il n’y a point ici de mot spécial. La réciprocité existe toujours en faisant une application de mots qui soit légitime ; en effet, la chose « gouvernallisée » est « gouvernallisée » par le gouvernail ; et ainsi du reste. Par exemple, tête se dira plus exactement d’un être « têtifié » que d’animal ; car ce n’est pas en tant qu’animal que l’animal a une tête, puisque beaucoup d’animaux n’en ont pas. § 12[2]. C’est ainsi

  1. Gouvernallisée, J’ai dû créer ce mot, comme Aristote le fait lui-même en grec, ainsi que l’indiquent ces mots : ou si l’on employait toute autre expression pareille, attendu qu’il n’y a point ici de mot spécial. — Têtifié, J’ai dû forger aussi ce mot pour répondre à la pensée du texte. — Beaucoup d’animaux n’en ont pas, les vers, les mollusques, les coquillages. Dans l’antiquité, du reste, ces mots forgés par Aristote avaient été souvent critiqués. Voir Simplicius, Schol., p. 63, a, 36.
  2. Des primitifs, C’est-à-dire de celui des relatifs qu’on connaît comme gouvernallisé, de gouvernail : têtifié, de tête, etc. — D’aile faisant ailé, Il semblerait qu’Aristote a créé aussi le mot qui en grec répond à ailé. On peut objecter que sans forger de mots la relation est souvent fort claire, comme le prouvent les exemples mêmes d’abord cités dans le texte : maître et esclave, père et fils.