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ordre l’avaient couvert, il était presque méconnaissable. Pour les esprits vraiment libres, et qui avaient l’instinct des besoins nouveaux, il y avait un double inconvénient dans cette superstition philosophique. D’abord, il leur répugnait comme à tout philosophe de subir un joug autre que celui de la raison, quelle que fût la main qui l’imposât ; puis ensuite, ce joug qu’on prétendait leur imposer était injustifiable. L’aristotélisme tel qu’on l’enseignait alors, n’était guères qu’un amas confus de formules sans vie, dont l’esprit s’était retiré. Il y avait donc ici deux choses à faire : repousser l’Aristote de la Scholastique, et briser une vaine idole ; en second lieu, pousser jusqu’au véritable Aristote, l’étudier en lui-même, et le mesurer avec impartialité aux besoins et aux lumières du siècle. Ces deux parties de la tâche furent accomplies successivement par les novateurs, avec plus ou moins d’audace et de succès, avec plus ou moins d’impartialité et de raison. Mais que d’obstacles ils rencontrèrent et que le destin de quelques-uns fut déplorable ! Les persécutions acharnées, les tortures, la mort, voilà ce qu’on opposa, durant près d’un siècle, aux réformateurs en philosophie, tout comme on l’opposait, en France surtout, aux réformateurs en religion. Ramus a été l’une des victimes les plus