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si ce que tu dis a lieu. Car quel sera l’homme riche qui voudra mettre sa vie en danger ? De sorte que tu seras contraint de labourer toi-même, de bêcher la terre, de te livrer à mille travaux pénibles, et tu mèneras une vie beaucoup plus malheureuse que celle que tu mènes à présent.

CHRÉMYLE.

Que toutes ces belles prédictions retombent sur ta tête.

LA PAUVRETÉ.

Tu n’auras ni lit, ni tapis pour te coucher, car quel ouvrier en voudra faire, dès qu’il aura de l’or à souhait. Lorsque tu conduiras une jeune épouse dans ta demeure, tu n’auras plus d’essence pour la parfumer, plus de riches manteaux brodés et teints de brillantes couleurs pour l’en revêtir. Or, à quoi sert la richesse, si l’on est privé de tous ces avantages ? Mais, par mes soins, vous avez abondamment tout ce qui vous est nécessaire, car, comme une maîtresse habile et sévère, je ne quitte pas d’un moment les ouvriers, et, par la nécessité et l’indigence, je les contrains de chercher des moyens de gagner leur vie[1].

CHRÉMYLE.

Quels avantages pourrais-tu offrir, si ce n’est ces taches de rousseur qu’on gagne dans le chauffoir des bains[2], les gémissements d’enfants affamés et de vieilles femmes, les poux, les puces et les cousins, qui, en quantité innombrable, bourdonnant auprès des oreilles des pauvres, les tirent du sommeil, pour qu’ils se disent : Allons, debout,

  1. Théocrite a presque copié ce morceau au commencement de ses Pêcheurs.
  2. Pendant l’hiver, les pauvres allaient se chauffer dans les bains publics.