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ainsi que j’ai su réduire cet homme-là avec une armée rangée en seize bataillons, tandis que je dormais à la porte, et je ne réprimerais pas aujourd’hui cette étonnante audace des femmes haïes d’Euripide et de tous les dieux ? Qu’on renverse alors mes trophées de Marathon. Mais il reste encore tout ce chemin escarpé à faire pour arriver à la citadelle, et il nous faut tirer tous ces bois sans le secours d’un âne ; ces deux poutres m’écrasent les épaules. Il faut cependant aller et souffler le feu, de peur que faute d’attention il ne s’éteigne et que je n’en trouve plus lorsque je serai arrivé au terme de ma route. Phou, phou. Iou, iou ! Quelle fumée ! Ô divin Hercule, comme cette acre fumée, semblable à un chien enragé, me dévore les yeux ! C’est là véritablement du feu de Lemnos[1] : jamais sans cela elle ne m’eût tant fait de mal aux yeux. Pressez-vous vers la citadelle et portez du secours à la déesse ; en quelle circonstance, ô Lachés, le ferons-nous plutôt qu’en celle-ci ? Phou, phou. Iou, iou ! Quelle fumée ! Ce feu s’entretient et se conserve par une faveur particulière des dieux. Allons, qu’en pensez-vous ? déchargeons-nous ici de nos leviers, mettons nos sarments dans le réchaud, allumons-les et jetons-les contre la porte. Et si les femmes, quand nous les en sommerons, ne retirent leurs barricades, il nous faut les enfumer en mettant le feu aux portes. Déposons notre fardeau. Hé, hé, quelle fumée ! Ouais, ouais ! Lequel des généraux envoyés contre Samos nous secourra et mettra la main à nos leviers ? Enfin, mon dos n’est plus accablé sous leur poids. C’est à toi maintenant, cher réchaud, à rendre les charbons bien

  1. Ou parce que, dit le scoliaste, le feu y était fort vif, ou parce que les femmes y étaient fort libertines ; mais plutôt à cause des forges de Vulcain. (BROTIER.)